ELFRIEDE LOHSE-WÄCHTLER
J’avais découvert quelques œuvres de la peintre, des œuvres intrigantes, sauvages, brutales, réalisées dans un tracé puissant et sûr. J’avais senti là, dans un curieux mélange, s’affronter et coopérer une formidable vitalité et une terrible désespérance. J’ai subi le choc de ce grand carnaval de traits crus, de ce violent, libre et éclaboussant portrait de la société allemande en plein pourrissement et en plein désarroi. J’ai subi le choc de ce regard que l’artiste porte sur elle-même. Il y a de la fildefériste dans cette formidable artiste, un sang vigoureux, un talent nerveux, une poigne, des gouffres, le drame morbide de l’amour, l'oeil intraitable de la femme immergée dans le réel jusqu'au cou, l'oeil sensible de la femme immergée dans le réel jusqu'au cou, il y a dans son aventure la salubre et meurtrière haine des familles saines, la vie saturée de tabac, de gnole, de nuit, d’abandon, la merveilleuse et affolante revendication de la liberté et l’insupportable scandale d’une impardonnable mise à mort.
Elle est née en 1899 à Dresde. En 1915, elle entreprend des études artistiques dans sa ville natale à l’école des Arts décoratifs et appliqués. Elle prend également, comme étudiante libre, des cours de dessin et de peinture avec Otto Gussmann (peintre allemand et enseignant, 1869-1926) à l’Académie des Beaux-Arts de Dresde. En 1915, Elfriede entre en contact avec le cercle de Franz Pfemfert (écrivain, revuiste, homme politique de gauche – parti socialiste antinational, fondateur de la revue Die Aktion, 1879-1954 ), les dadaïstes berlinois, et, la plus décisive de ses démarches, avec le groupe de la Sécession de Dresde fondé, parmi d’autres, par Otto Dix (peintre expressionniste allemand, 1891-1960) et Conrad Felixmüller (peintre expressionniste allemand et militant communiste, 1897-1977). Elfriede prend en location un petit espace dans le studio dresdois de Felixmüller et commence à gagner sa vie comme illustratrice. Dix et Felixmüller présentent Elfriede à l’artiste et chanteur Kurt Lhose. Ils se marient en 1921. En 1925, le couple s’établit à Hambourg. Kurt trouve un emploi en tant que choriste. Le couple se sépare en 1926. La période créative la plus intense d’Elfriede correspond à sa période hambourgeoise. La plupart de ses travaux à l’huile, au pastel ou à l’aquarelle (vues de la ville, autoportraits, prostituées, et sujets relatifs à l’environnement de la classe ouvrière) ont été réalisés entre 1927 et 1931. En 1928, elle prend part à plusieurs expositions du mouvement « Neue Sachlichkeit » (Nouvelle Objectivité, 1918-1930 : mouvement artistique contestataire qui se fixe pour objectifs de montrer le réel dans sa crudité, sans fard, de créer une vision froide et cynique « entre jugement et constat » de la société allemande). A la suite d’une dépression nerveuse liée à la dégradation de son couple et à la période d’indigence qu’elle traverse, Elfriede est internée dans la clinique psychiatrique Hamburg-Friedrichsberg. C’est là qu’elle signe les «Friedrichsberger Köpfe » (les têtes des patients de Friedrichsberg), environ soixante dessins, études au pastel de tête et de corps des patients de la clinique. Après son rétablissement Elfriede expérimente une nouvelle phase d’intense production et en 1930 et 1931, et expose son travail dans différents endroits comme le prestigieux Kunsthalle de Hambourg. Survient une nouvelle détérioration de son état mental et Elfriede retourne au domicile parental à Dresde. Son père décide de son entrée dans l’Institut psychiatrique Arnsdorf où elle est diagnostiquée schizophrène. Au départ, Elfriede est autorisée à poursuivre ses travaux artistiques dans l’Institut. Dès que le parti nazi parvient au pouvoir en 1933, on la prie d’accepter une stérilisation volontaire ! Au début, l’ordurier parti fait mine d’exposer ses monstrueuses requêtes en soignant les formules. Elfriede refuse. En conséquence, on lui supprime ses « privilèges » et elle n’est plus autorisée à peindre ou à dessiner.
En 1935, elle est déclarée mentalement irresponsable, son mariage avec Lhose est annulé et elle est stérilisée de force dans le cadre du « programme d’eugénisme » du parti national-socialiste. Décrétée « art dégénéré » (Entartete Kunst) en 1937, l’œuvre d’Elfriede est en partie détruite. Ses œuvres exposées à la Galerie d’art de Hambourg et du musée d’Altona sont confisquées et probablement détruites, ainsi que la majorité de ses dessins d’Arnsdorf. Elfriede est une victime du nazisme qui, ayant cherché à anéantir son œuvre, l’exécute le 31 juillet ou le premier août 1940. Elle est assassinée dans une chambre à gaz à Pirma-Sonnenschein, dans le cadre du programme national-socialiste d’euthanasie «Aktion T4».
Aujourd’hui, plusieurs endroits, à Hambourg ou à Dresde, portent le souvenir d’Elfriede Lhose-Wächtler et son œuvre est souvent exposée. Une association pour la promotion de son art est fondée en 1994. Une monographie lui est consacrée en 1996 par Georg Reinhardt. Depuis 1991, les expositions se sont multipliées. L’établissement de Pirma-Sonnenschein possède désormais une exposition permanente consacrée à son œuvre et à sa vie. On se rendra ici pour découvrir d’autres œuvres de l’expressionniste allemande :
http://www.fembio.org/english/biography.php/woman/biography/elfriede-lohse-waechtler/
http://weimarart.blogspot.be/2010/07/elfriede-lohse-wachtler.html
Sources :
http://fr.wikipedia.org/wiki/Elfriede_Lohse-W%C3%A4chtler
http://weimarart.blogspot.com/2010/07/elfriede-lohse-wachtler.html
http://fr.wikipedia.org/wiki/Nouvelle_Objectivit%C3%A9