Le samedi 23 janvier à la LIBRAIRIE DLIVRE
67 A rue Grande
5500 Dinant - Belgique
Téléphone : +32(0)82610190
Fax : +32(0)82611690
Courriel : contact@dlivre.com
Eric Allard et Denys-Louis Colaux
signent leur ouvrage entre 15.00
et 17.00
Le samedi 23 janvier à la LIBRAIRIE DLIVRE
67 A rue Grande
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Eric Allard et Denys-Louis Colaux
signent leur ouvrage entre 15.00
et 17.00
Entrée en 2016 par la porte de la création (3/3)
J'ai à cœur, pour la placer l'année 2016 sous des auspices favorables, de l'inaugurer par la porte de la création, en m'entourant d'artistes que j'ai découverts en prospectant et qui m'aident à vivre, à penser, à éprouver, et à respirer. Cette entrée en beauté est aussi une invitation au voyage, à l'immersion dans l'art, dans la quête.
Jean Coulon
https://www.facebook.com/jeancoulon22
Alain Laboile
https://www.facebook.com/alain.laboile
Sylvie Lobato
https://www.facebook.com/sylvie.lobato.9
Sophie Herniou
https://www.facebook.com/sophie.herniou
William Wray
https://www.facebook.com/william.wray3
Karien Deroo
Pat Dumez
https://www.facebook.com/pat.dumez.1
Jean-Claude Sanchez
https://www.facebook.com/jeanclaude.sanchez.7
Bercée Di-Puglia Isa
https://www.facebook.com/isabercee.dipuglia
Sandro Baguet
https://www.facebook.com/Sandro-Baguet-191044934260401/?fref=photo
Isabelle Vialle
https://www.facebook.com/isabelle.ameline
Marie-Pierre Manecy
https://www.facebook.com/mp.manecy
Sabrina Gruss
https://www.facebook.com/sabrina.gruss.3
Moché Kohen
Carmen De Vos
https://www.facebook.com/carmendevos.photography/?fref=photo
L'ADMIRABLE
JEAN COULON
Pour mon fils qui partage avec moi une admiration pour l'oeuvre de Coulon
A nouveau dans mon espace, le graveur et dessinateur belge Jean Coulon parce que les lieux où il donne à voir sa création sont des mines de trésors qui témoignent d'une technique impressionnante, d'un formidable esprit inventif, d'une conception complexe, humoristique, savante et poétique. L'oeuvre, présente, réjouissante, tout à fait contemporaine, est aussi une sorte d'histoire vivante de la gravure. C'est très simple, quand on a eu la chance de voir cela, il faut en témoigner, il faut colporter l'oeuvre comme une bonne parole. Il faut partager le spectre des étoiles qui nous ont hallucinés. Une gravure de Coulon, c'est ludique, savoureux, précis, farfelu. C'est exaltant, ce trait somptueux qui fonde successivement un arbre, une ramure, une forêt. Il y a de la merveille là-dedans. C'est un enchantement par virtuosité. Coulon, ce musicien et acteur, invente un trait qui joue. J'aime cette habileté qui rit. Sur les travaux de Coulon flotte un vivifiant parfum d'intelligence, de maîtrise et de défi. Voici ce que j'aime dans un artiste : cette singularité convaincante, séduisante, cette puissante application et cet opulent talent à inventer l'inutile, à en faire oeuvre, chef-d'oeuvre. Ceci fait songer aux joyaux des coffrets, aux manuscrits précieux, à la pérennité.
Nous prenons, pour le présenter au plus grand nombre de visiteurs, des éléments biographiques dans l'espace personnel de l'artiste : http://www.jeancoulon.be/
Jean Coulon est né à Bruxelles en 1947. Diplôme de gravure la Cambre, Bruxelles.
Musique, théâtre:
Étudie dans sa jeunesse le solfège, le tuba et s’initie au jazz aux cours du soir.
De 1980 à 2004 parcourt le monde avec des troupes de théâtre: Comme musicien et comédien, rencontre Franco Dragone, Michel Dalher et autres metteurs en scène de haut niveau au sein du Théâtre-Attrape. Fait partie du spectacle le Théâtre National Populaire de Luxe, monté par le Cirque du Trottoir et l’ensemble québécois La Fanfafonie – qui donneront naissance au Cirque du Soleil. Travaille avec Kevin Brooking dans les festivals de théâtre de rue, parcourant l’Europe de 1997 à 2004.
Gravure:
Membre actif de l‘Atelier de gravure Kasba (Boitsfort) depuis 2000.
Techniques de prédilection:
Gravures sur cuivre : burin, pointe sèche, roulette et généralement procédés de gravure sèche, sans acide. Gravure sur bois.
Typographie:
Acquiert du matériel ancien typographique et imprime divers livres d’artistes, notamment pour les Editions Commune Mesure avec J.-H. Malineau (Paris), avec le graveur Roger Dewint et les recueils de gravures de l‘Atelier Kasba.
Expositions:
Expositions personnelles en Belgique, France, Suisse, Danemark, Québec. (Centres culturels, galeries). En groupe: participe à de nombreuses biennales depuis 1972 : Ljiubliana, Biella (I), Bromsgrove (G.-B.), Leipzig, Mulhouse, Florence, Nürnberg, Heidelberg, Grenchen (CH), Digne (F), etc… Et nombreuses autres expos collectives notamment au sein de l’Atelier Kasba à Boitsfort.
PRIX en gravure:
Prix triennal de la Commune d‘Ixelles (B), 1979 Prix Guy-Lévis Mano, avec J.-H. Malineau, Paris 1986 Prix de l‘atelier Contrast, Fribourg (CH), 1992 2 e Prix de l‘atelier Trace, Paris 1993 Prix Libr‘Art, Libramont (B), 1997 & 1998.
Oeuvres aquises par :
la Collection Royale l‘Etat Belge la Bibliothèque Royale le Centre de la Gravure et de l!Image Imprimée de la Louvière le Musée Royal de Mariemont le Musée des Beaux-Arts de Gand le Cabinet des Estampes de la Ville de Liège la Bibliothèque Nationale de Paris le Musée d‘Art et d‘Histoire de Fribourg (Suisse) le musée de l »Imprimerie, Fribourg le Musée des Beaux-Art de Copenhague la Galerie d‘Art Moderne de Ljubljana.
Notes
J.C. a donné plusieurs stages de formation à la gravure au burin dans des académies de cours du soir (académies d’Anderlecht, de Wavre, … et à l’académie de Bruxelles (cours du jour, section gravure). Il a été sollicité comme membre de jury de différentes académies et de l’école de La Cambre (section gravure).
Francis Campiglia
Me revoici, - je ne compte plus mes visites -, chez le photographe Francis Campiglia, chez Francis le Parisien, Campiglia le Fellinien, l'ami empressé des femmes diverses et multiples, le chercheur d'orbe, le cueilleur d'instants propices. Je m'installe au labo de Francis l'ensorcelé ensorceleur, l'arrosé arroseur et j'y sirote le vin charnu des icônes, la grâce acidulée des acrobates, des épicières, des jongleuses de feu, des passantes, j'y hume le parfum fruité de la fête, l'encens poivré du lupanar, les coulis de fleurs, de fraises, de prunes, d'arbouses, de litchis de la folie douce, de l'audace, de l'exotisme, de la rue en effervescence, de la petite fièvre de nuit. Je m’accoutume chez Francis à de l'inhabituel, à du charmant, à une exquise inconvenance, à de la poésie lâchée en pleine rue, à de l'émoustillant, je m'y repose d'un monde de brutes, de médiocres, de cafards secs, de connards offensifs et entêtés. J'y retrouve les saveurs enivrantes du farfelu, du chaleureux, de l'hospitalité, de l'appétit, le goût du chant, du spectacle, de la sérénade, de l'étincelle dans l’œil. Je raffole de cette faune de zèbresses divinement zébrées, de geishas en goguette, de musiciennes & artistes à l'oeuvre, de tapins en fastueuse revendication, d'effeuilleuses en coulisses, de cafetières séduisantes, de petites beautés en villégiature, de mémés inhabituelles, de nymphes lunaires, de matrones appétissantes. Voici des lieux et des liens où trouver des éléments de l'oeuvre :
http://franciscampiglia.over-blog.com/
https://www.facebook.com/Francis-Campiglia-Photographe-372001309482469/
http://franciscampiglia-photographe.blogspot.be/2013/01/galerie-de-francis-campiglia.html
https://www.flickr.com/photos/franciscampiglia/
Lovis Corinth et Charlotte Berend-Corinth
L O V I S C O R I N T H
Lovis Corinth est un fameux peintre allemand, une ogre artistique puissamment taraudé, obsédé par la nécessité vital de peindre, par le désir, la passion du corps, de la chair, de la quête de soi, de l'amour et de la présence de la mort. Né en 1858 et mort en 1925, il a conçu une oeuvre énorme, plantureuse de plus de mille oeuvres où les genres les plus divers (portraits, thèmes religieux, sujets mythologiques, nus fascinants, époustouflants autoportraits théâtralisés, paysages, scènes de genre) lui sont une occasion de donner libre cours à son art qui crée une prodigieuse intersection entre expressionnisme et impressionnisme. Dans les années 1880, il étudie à l'Académie Julian à Paris, et dans l'atelier de Bouguereau. Toute sa vie, il demeurera fasciné par Rembrandt et Frans Hals. Membre actif de la Sécession berlinoise (association artistique fondée en 1898 en réaction au conservatisme de l'art berlinois), cet hercule pictural, une des figures majeures de la peinture moderne, sera, dieu merci, plus tard regardé par le troisième reich comme un artiste dégénéré. Corinth avait créé une école de peinture pour les femmes en 1902, Charlotte Berend, qui était une de ses étudiantes, deviendra sa femme. A l'âge de 53 ans, Corinth est victime d'un accident vasculaire cérébral qui, bien que constituant un important handicap, ne l'empêchera pas de peindre.
http://www.musee-orsay.fr/index.php?id=649&L=0&tx_ttnews%5Btt_news%5D=7834&no_cache=1
http://www.artliste.com/lovis-corinth/
http://www.wikiart.org/en/lovis-corinth
https://www.moma.org/collection_ge/artist.php?artist_id=1243
https://www.youtube.com/watch?v=Xf5Upg26DeM
Survol de l'oeuvre en six séquences sur youtube
https://www.youtube.com/watch?v=coDfcZG3ML4
https://www.youtube.com/watch?v=Gj0QncwnJ5s
https://www.youtube.com/watch?v=wiRI5n2Epr8
https://www.youtube.com/watch?v=HXulTKI3-fc
https://www.youtube.com/watch?v=qJdwAJ453Zg
https://www.youtube.com/watch?v=9Y-OCszTp-s
Charlotte
Charlotte et Lovis
Charlotte et Lovis
Charlotte par Lovis
Charlotte et Lovis
Charlotte Berend-Corinth
Charlotte Berend-Corinthest une peintre allemande (1880-1967). Artiste peintre, dessinatrice, illustratrice, Charlotte Berend est un être sensible, incisif, une créatrice subtile, alerte, inventive, excellente portraitiste. Son oeuvre comprend également des dessins pour le théâtre, des portraits d'acteurs (chanteurs et danseurs) mais aussi de personnalités comme Albert Einstein. Elle a illustré les oeuvres de Maupassant ou d'Andersen. Charlotte Berend fut, avant de devenir son épouse (1903), l'étudiante de Lovis Corinth. Elle fut également très souvent son modèle. En 1906, la belle artiste rejoint la Sécession berlinoise. Elle a aussi été très proche des milieux théatraux et a soutenu les jeunes artistes. Ils auront deux enfants : Thomas et Wilhelmine. Après la mort de Lovis, Charlotte voyage assez bien (Italie, Egypte, Turquie) et émigre avec ses enfants en 1933. Elle publie en 58 l'intégrale de la peintre de son mari, réalisant ainsi l'ouvrage de référence sur la peinture du maître allemand.
En Allemagne, dans les années 20, Charlotte Berend-Corinth devint célèbre pour son œuvre lié à la Sécession de Berlin. A partir de 1915, elle devint membre du conseil et du jury de la Sécession, rejoignant Käthe Kollwitz, signe de la participation croissante des femmes dans l’institution artistique.
Marina Sassenberg. « Dictionary of Women Artists », éd. Delia Gaze, 1997
https://fr.wikipedia.org/wiki/Charlotte_Berend-Corinth
https://commons.wikimedia.org/wiki/Charlotte_Berend-Corinth
http://www.walchenseemuseum.de/maler-lovis-corinth/charlotte-berend-corinth-malerin.html
Sylvie Lobato (2)
Je reste fasciné devant ces beautés sauvages, libres, carnassières, voluptueuses, devant ce monde étrange et hallucinant dans lequel, comme des instruments au sein d’une formation, du tendre, du cruel, du fantastique, de l'estompé et du brutal concertent. Je demeure en arrêt, interdit, conquis, devant cette captivante singularité artistique où nous apparaissent dans un nouement complexe pulsions, instincts, appétits, forces opaques et lueurs, âmes. Sylvie Lobato, réellement, ne ressemble à rien ni à personne et ll'oeuvre époustouflante qu’elle édifie est rouge, noire, chaude, ténébreuse, poétique, féroce, ouverte à l'inextricable ambiguïté de l'être. C'est une expédition artistique héroïque, libératoire, une aventure totale dans l'être, soi et les autres. Je songe souvent que Sylvie Lobato invente l'éblouissement noir, que son oeuvre est l’occasion d’un dévoilement perturbant et bienfaisant.
Il y a la beauté du monstre chez ces minotaures puissants, massifs, dans cette sûreté musculaire, chez ces avides oiseaux charognards, il y a ces orages pulsionnels et une sorte de quiétude effarante, et au-delà, la cohabitation réinventée de l’homme et de la bête, leur imbrication, leur coexistence. Dans cette réinvention saisissante, de l’homme infuse dans la bête, quelque chose de la bête habite l’homme. Il y a la beauté cauchemardesque des atmosphères, des sombres, des contrastes savamment assortis, feutrés, il y a la force des regards. Il y a sans doute, troublante, la fonction spéculaire de l’œuvre qui montre à l’homme son irrésolution, son partage, ses fêlures, ses contradictions, ses sources et ses errements.
Sylvie Lobato semble mener une œuvre prodigieuse, à la fois spéléologique et picturale, dans ses ténèbres, dans ses lieux obscurs, mais, plus encore, dans les coulisses de tout être, son sous-sol, ses silences, ses catacombes, ses étables, ses alcôves, ses terriers. Cette quête exaltée est, il me semble, le fruit d’une âme audacieuse, éprise de liberté, résolue à ferrailler avec ses propres mystères. On dirait que Sylvie Lobato, dans l’obscurité, - avec même une certaine allégresse, un bonheur de l'entreprise - arrache aux parois du mystère d’exister, à coups de burin à la fois aveugles et experts, les minerais rares, étourdissants que sont ses édifiants tableaux. Une œuvre passionnante qui tâtonne, empoigne et creuse l'être au cœur même de son ambiguïté. J'ai le goût de cette oeuvre, un goût immodéré, et je suis infiniment curieux de ses nouveaux développements. Je vous invite, dans une avant-première qui me réjouit profondément, à admirer les œuvres les plus récentes de l'artiste.
Dévoration
Caresse du Minotaure 1
Dévoration
Le Repas
La chair du Minotaure
L'extase du Minotaure
Repas 1
Soupçon de chair
La caresse en noir
La caresse du Minotaure
Pierre Perrin
Pierre Perrin, poète né en 1950, habite le pays de Courbet.
Il a dirigé la revue de poésie Possibles, de 1975 à 1980, 22 numéros parus, dont un spécial Jean Breton, un spécial Yves Martin, etc.
En 1985, Pierre Perrin choisit dans quatre recueils épuisés les poèmes qui vont former la première moitié de Manque à vivre. Le volume de 256 pages, augmenté d’une postface d’Yves Martin, suscite une trentaine d’échos.
En 1996, Pierre Perrin est lauréat du prix Kowalski de la ville de Lyon, pour son recueil La Vie crépusculaire, chez Cheyne, épuisé depuis. À partir de 1997, à la demande de Jean Orizet, Pierre Perrin rejoint le comité de rédaction de Poésie 1 / Vagabondages.
Il collabore par des études et de nombreuses notes de lecture à La Nouvelle Revue Française. Plus de trente contributions, de 1999 à 2005, traitent aussi bien de la littérature française qu’étrangère, de la poésie que du roman, et des essais littéraires.
Le Cri retenu [récit, Cherche Midi, éd. 2001] explore l’existence d’une mère à travers son enfance, sa jeunesse, ses amours, son mariage, sa maternité, son labeur incessant, son veuvage, ses silences, ses vraisemblables regrets. Il s’agit d’un travail de mémoire qui engage un dialogue par-delà la mort, sans illusion.
Après une dizaine d’années de retrait en silence, il revient à l’écriture poétique et critique. Il publie de nouvelles notes de lecture sur La Cause littéraire et Nonfiction.fr, entre autres.
Il dirige la revue Possibles, nouvelle série en ligne sur son site internet : http://possiblesuite.free.fr
Poème
La Sève sous le gel
Que ne vient-il avec ses JE T’AIME ? Le froid la gagne, les cuisses en tétanie. Le canapé n’est pas un havre, moins tranquille qu’une tombe. La télé roule à ses tympans. La nuit s’ouvre sans personne et sans bruit pleurent les vignes.
Foutus bonshommes, à tout culbuter ! Un pas de deux, un an de paix, est-ce impossible ? D’autres font pire, la mort sous eux. Il se tait, il se terre ; il la condamne à vieillir seule. Peut-on rien contre l’oubli, la trahison
Les mains repoussent le pinceau ; la musique, elle la vomit par les oreilles. S’est-il brûlé ? Elle boirait le vinaigre sur la plaie. Pour qui tintent les cloches dans les prés ? Ses ailes sous ses doigts, elle savait les lisser, les dresser.
Cependant le souffle entre ses lèvres s’ensommeille, quand même elle sursaute au moindre bruit. Un chat détale – ce n’est pas lui. Genoux pliés, nuque froissée ; séchée, poussière, l’ultime rose glisse encore, un lent toboggan.
Le bonheur ravalé, le jour ferme son couvercle.
Poète invité : Jean Pérol
Né en 1932, Jean Pérol poursuit des études supérieures à Lyon. Poète, il fréquente notamment Roger Vailland. En 1961, il part pour le Japon ; il y dirigera l’Institut français de Tokyo de 1984 à 1989. Jean Pérol a vécu aussi en Louisiane, en Afghanistan et deux ans à New-York, de 1992 à 1994. Il a publié une vingtaine d’ouvrages, parus chez Gallimard et à La Différence. Des recueils : Ruptures, Histoire contemporaine Asile exil, À part et passager ; des romans : Un été mémorable, Le Soleil se couche à Nippori et La Djouille. Il a collaboré à La Nouvelle Revue française, aux Lettres françaises et au Magazine littéraire.
Poème
Si belle amour de mes amours
mais quelle bête chaque jour
en nous toujours trouve à manger
en nous toujours trouve à ronger
que de blanc s’ajoute à la neige
qui blanchit mes cheveux moins fous
que de cendre en nous désagrège
tout ce feu que le temps bafoue
notre vie de la vie s’allège
notre cœur compte un peu ses coups
où sont-elles tes jupes Courrèges
et nos nuits dans le Kiyou-Shou
le jaloux qui s’agace à qui
près de toi osait jouer l’ange
nos baisers parmi les oranges
et la mer en or à Nagasaki ?
Nagasaki
***********
Poème extrait du prochain recueil de Jean Pérol
« L’infini va bientôt finir », à paraître.
Eric Allard
Né en 1959 un jour de carnaval, il a ainsi appris que la fête, l’esprit festif n’est qu’un masque posé sur la face du réel. Si on l’a souvent vu sourire, on s’est certainement beaucoup mépris sur l’origine de sa joie. Il a dû rêver de contenir toute sa vie ou l’histoire d’une seule sensation dans un livre pour être ensuite confettisé et soufflé aux quatre vents. Les seuls titres auxquels il croit sont les titres de certains livres. Peu importe, pourrait être sa devise. Mais n’allez pas croire qu’il soit insensible à l’espoir, au Voyage, aux élans du cœur et de l’âme, au péché de la politique ou de la spiritualité, qu’il n’aspire pas à une forme sévère d’éternité. Non, il lui arrive de sortir dans la foule en toute saison avec des serpentins à la main et de les jeter à la gorge d’un quidam dans un mouvement subit et enveloppant d’amour ou de haine, assuré, pas si fou, que le ruban, à la première tension, se brisera.
Quelques titres aimés : Le gai savoir, Le métier de vivre, La rose de personne, Mourir m’enrhume, Le dur désir de durer, Les villes invisibles, Espèces d’espaces, Retour définitif et durable de l’être aimé, La vie est brève et le désir sans fin, L’insupportable légèreté de l’être, Le pont flottant des songes, Histoire de l’œil, La chambre aux miroirs, L’addition des songes, Les corbeaux brûlés, Les lièvres de jade…
Poème inédit
EN COURANT VERS LE CRI
Ta bouche
elle remue
dans le silence
Des corps
d’opéra bouffe
à la chair marine
Ta voix
elle seconde
dans le temps
Des pages de sang
plus sombres
qu’un livre d’orage
Ni le vent
cet esclave malin
du sens
Ni la terre
cette fille bâtarde
du soleil
Ne peuvent
atteindre
ton dedans
Ce que ton dieu
commande
à ta peau
Pendant qu’au ciel
les oiseaux se déchirent
des miettes d’azur…
Ce que tes yeux
retiennent
du monde sensible
Pendant que l’espace
se brise
en courbes imbéciles…
Il faut s’achever
se parfaire
et te dire
Tant que les mots
marchent
dans ta direction
En divisions armées
par groupes de cent
en courant vers le cri
Le canon de fusil
plaqué
contre ta langue
Poète invité : PIERRE REVERDY (1889-1960)
Pour une bibliographie qu’on lui réclama, Reverdy écrivit :
Né le… mort le…
Il n’y a pas d’événements,
Il n’y a pas de dates
Il n’y a rien c’est merveilleux
De même qu’il tendait à l'anonymat en tant que personne, son œuvre est difficilement assimilable à un courant poétique, tout à la fois indispensable et au cœur de la poésie qui a compté en France au siècle dernier. Sous le bois sec mais vigoureux de ses mots, sous les dehors d’une écriture en noir et blanc, presque aphoristique, affleure la pulsation et la sensibilité d’un cœur ardent ainsi qu’une incessante interrogation existentielle.
Char le plaçait au-dessus d’Apollinaire et Aragon, dont on a pu dire qu’il était son exact contraire, a écrit à son propos : On ne prend pas garde à cet inconnu qui se tient à l’écart, puis le soleil tourne et son ombre croît, s’étend, couvre le siècle.
Il a aussi écrit des apophtegmes qui caractérisent sa problématique humaine et poétique comme ceux-ci, pour n’en citer que deux : « Beaucoup d’insensibilité prend parfois figure de courage ». Et : « Le plus solide et le plus durable trait d’union entre les êtres, c’est la barrière. »
Poème
LE BONHEUR DES MOTS
Je n’attendais plus rien quand tout est revenu, la fraîcheur des réponses, les anges du cortège, les ombres du passé, les ponts de l’avenir, surtout la joie de voir se tendre la distance. J’aurais toujours voulu aller plus loin, plus haut et plus profond et me défaire du filet qui m’emprisonnait dans ses mailles. Mais quoi, au bout de tous mes mouvements, le temps me ramenait toujours devant la même porte. Sous les feuilles de la forêt, sous les gouttières de la ville, dans les mirages du désert ou dans la campagne immobile, toujours cette porte fermée – ce portrait d’homme au masque moulé sur la mort, l’impasse de toute entreprise. C’est alors que s’est élevé le chant magique dans les méandres des allées. Les hommes parlent. Les hommes se sont mis à parler et le bonheur s’épanouit à l’aisselle de chaque feuille, au creux de chaque main pleine de dons et d’espérance folle. Si ces hommes parlent d’amour, sur la face du ciel on doit apercevoir des mouvements de traits qui ressemblent à un sourire. Les chaînes sont tombées, tout est clair, tout est blanc – les nuits lourdes sont soulevées de souffles embaumés, balayées par d’immenses vagues de lumières. L’avenir est plus près, plus souple, plus tentant. Et, sur le boulevard qui le lie au présent, un long, un lourd collier de cœurs ardents comme ces fruits de peur qui balisent la nuit à la cime des lampadaires.
La liberté des mers (1960)
André Campos Rodriguez
André Campos Rodriguez, né en 1951, a publié plusieurs recueils de poèmes dont se détachent : “Notes pour désigner la cendre” (Polder / Jacques Morin, éditeur) ; “Les Douze Balises” (L’Arbre / Jean Le Mauve, éditeur), Odes à la nuit étale (L’Horizon Vertical), “L’Invisible Correspondance” (Cahiers Froissart / Jean Dauby, éditeur), “Légendes, Eclats, Approches” (Editinter / Robert Dadillon, éditeur).
A été, un temps, co-animateur de la revue Franco-Belge RegArt. puis directeur de la publication de la revue et des éditions RétroViseur. Il a publié articles ou poèmes dans de nombreuses revues dont : Foldaan, La Bartavelle, Sources, Lieux d’Etre etc...
Il prépare un volume anthologique de 200 pages regroupant un choix de ses poèmes de 1985 à 2015 accompagné d'une préface d'Alain Lemoigne.
Poème
VIII
L’essor toujours
Pour célébrer la joie
La grâce d’un élan
Conjugué par la beauté
Jamais je ne parviendrai
À situer sa source
Ni dans le pur espace
À emprunter
Ses ailes invisibles
(in «Toutes ces voix»)
Poète invité : Alain Lemoigne
Alain Lemoigne est né en 1948 . Poète, romancier, ancien chroniqueur à La Bretagneà Paris. A collaboré a de nombreuses revues (Europe, La Barbacane, la Sape, Vagabondage...). Membre de l'équipe de Rétro-Viseur (revue et éditions). Préfacier et essayiste, récitant et conférencier (Jean Follain, Jean Laugier, Charles Le Quintrec. Nombreuses publications où peuvent se distinguer : Justice du Fruit, Éditions de L'Age d'Homme (prix Max-Pol Fouchet 1989) ; Mes Guillevic,Éditions Lem ; Foyers de Fractures, Editions Editinter ; Passages de témoin Editions Rétro-Viseur.
Poème
Qui dira demain
l'épiphanie de cette terre
ses siècles de broussailles
ses vertus de lumière
et la sévérité songeuse de ses buis ?
Dans les brumes de l'aube
nos yeux ne savent plus leur pouvoir hors du monde,
une même blessure nous sépare de nous-mêmes
et notre âme est pareille aux arbres qui ont peur.
Qui dira l'innocence du ciel
le long piétinement des pluies sur les baissières ?
Dans la liesse des mots
le suffrage d'un nom a force d'avenir.
MELANIE DE BIASIO
https://www.youtube.com/watch?v=cBNFEqeWaQs
https://www.youtube.com/watch?v=scrOGy5Xtpw
https://www.youtube.com/watch?v=yzcLlQ2BDyM
https://www.youtube.com/watch?v=FSr2Ai1vcvI
Qu'est-ce que c'est, ce souffle hallucinant ? Ce mélange sonore, cette rumeur des cieux et des gouffres ? Quoi, ce delta intérieur nu et projeté et demeuré secret ? Sensualité de son voile. Ce chant est une toile d'araignée suave, un piège gracieux, un hamac de satin sous les étoiles. C'est qui cette divinité humaine, charnelle qui brasse dans la même coupe acoustique le fantôme, le phantasme, la voix de la sirène, le murmure de son âme ? C'est quoi, cette lenteur délicieuse ? Cette musique qui tinte à peine, se déroule comme un passage de licorne dans une orée de brume, un passage d'okapi à l'amble dans l'aube ? Ici, plus c'est lent, plus c'est ample, large, souterrain, élevé. Oh, les berceuses qui tiennent éveillé, qui tiennent halluciné. Sans doute que la chanteuse et musicienne a formé sa voix au feutre aviaire de sa flûte traversière. Papier de soie de la voix, huile de voix, linge de voix, cire et miel de voix. Cette lenteur délectable, ça, c'est une trouvaille, ce saupoudrage vocal, mystique et suave. Forme nouvelle de la suavité, de la voilure vocale. C'est une envoûteuse. C'est quoi, ce délicat, ce cristal liquide, ce miel de cristal ? C'est une nappe de grâce sur l'accumulation de nos bruits malades, industriels, c'est le dépaysement à quelques décibels de chez nous. Du jazz enroulé dans des cérémonies blues, du vaudoux, avec x, sans intention de nuire, avec de désir de s'accorder, de tinter, chanter d'une voix essentielle, comme on le dit d'une huile. C'est le retroussement d'un exploit, au final, un exploit exquis. Ceci chuchote jusqu'au ciel. Ici, quelque chose entre les reins et l'esprit fait lien, avec des effluves profanes, des émanations sacrées. Le rythme retrouve une majesté. Dans cette retenue qui brûle, la chanteuse et musicienne, - assisté par ses sorciers, ses sourciers -, est en majesté, en gloire, irrésistible. Envoûtée, elle passe première dans l'art de l'envoûtement. Evénement. Ne commettez jamais l'hérésie d'aller imposer un f à ce nénuphar sonore inouï. Racine carrée d'un élan gospel aussi, belle, solennelle comme un seul jonc devant une compagnie de chênes. Il y a une fièvre mais comme battue, montée en neige. Cet art est serti au centre d'une formidable perle, d'un troublant joyau de singularité, les éclats, les carats partent de là, s'envolent, s'associent aux ondes. Une aune de nuit d'août fait robe à cette voix. Un peu de feu vit dans le vent de cette voix. Et la limpidité complexe, savante, impressionniste de cette musique achève l'oeuvre de l'enlèvement de l'auditeur. La belle Mélanie chante cependant que la nacre se forme dans la conque de sa gorge et, plutôt que de se figer, ruisselle vers nous en liqueur de nuit.
Jacqueline Fischer
Je dis souvent que j’écris depuis que je sais écrire, et peut-être même déjà dans ma tête auparavant. J’ai commencé par des poèmes, puis des récits- et puis je suis revenue aux formes poétiques ou plutôt ce sont elles qui me sont revenues.- Ma tête est pleine constamment de visions colorées, rythmées que je traduis en tissus assemblés et brodés ou en images numériques et les mots souvent s’y associent. Pour moi c’est le même langage intérieur illustré de trois manières différentes.
Le poème (extrait du Journal ajourné – 2012)
Prisonnière sur parole
J’ai fermé mes paupières comme on tire un rideau
déposant là
les mots d’un idiome étranger
à tous comme à moi-même
que ne traduirait pas la langue des oiseaux
ni corbeau, ni colombe.
ni code ni symbole
juste les portées de rythmes invisibles
où m’abandonner en aveugle ivre
cherchant à m’évader là où déjà je suis.
Invité : Jules Supervielle (1884-1960)
J’aurais aimé désigner un poète vivant, et bien des noms me viennent à l’esprit. Mais en élire un c’est risquer de blesser les autres, alors lâchement, je choisis un mort. Un de ceux dont la rencontre a compté pour moi, tant dans ses poésies que ses nouvelles et notamment l’Enfant de la Haute mer l’Inconnue de la Seine.
Jules Supervielle et sa double origine franco-uruguayenne, son sens du mystère de la vie, mais aussi ce « je ne sais quoi » dans la mélodie de ses phrases ou de ses vers - suivant ses voix. Un de ceux qui ressentaient puissamment la vie naturelle et animale, et les mondes cachés sous les mondes, d’où ces Amis inconnus.
Poème
Il vous naît un poisson qui se met à tourner
Tout de suite au plus noir d'une lame profonde,
Il vous naît une étoile au-dessus de la tête,
Elle voudrait chanter mais ne peut faire mieux
Que ses sœurs de la nuit, les étoiles muettes.
Il vous naît un oiseau dans la force de l'âge
En plein vol, et cachant votre histoire en son cœur
Puisqu'il n'a que son cri d'oiseau pour la montrer,
Il vole sur les bois, se choisit une branche
Et s'y pose ; on dirait qu'elle est comme les autres.
Où courent-ils ainsi ces lièvres, ces belettes,
Il n'est pas de chasseur encore dans la contrée
Et quelle peur les hante et les fait se hâter,
L'écureuil qui devient feuille et bois dans sa fuite,
La biche et le chevreuil soudain déconcertés ?
Il vous naît un ami et voilà qu'il vous cherche,
Il ne connaîtra pas votre nom ni vos yeux,
Mais il faudra qu'il soit touché comme les autres
Et loge dans son cœur d'étranges battements
Qui lui viennent des jours qu'il n'aura pas vécus.
Et vous que faites-vous, ô visage troublé,
Par ces brusques passants, ces bêtes, ces oiseaux,
Vous qui vous demandez, vous, toujours sans nouvelles :
Si je croise jamais un des amis lointains
Au mal que je lui fis, vais-je le reconnaître ?
Pardon pour vous, pardon pour eux, pour le silence
Et les mots inconsidérés,
Pour les phrases venant de lèvres inconnues
Qui vous touchent de loin comme balles perdues,
Et pardon pour les fronts qui semblent oublieux.
Olga Okaeva
http://olgaokaeva.livegalerie.com/presentation.php
http://www.saatchiart.com/olga555okaeva
https://www.facebook.com/Olgasfgh/about
La belle artiste peintre et enseignante russe Olga Okaeva est née en 1956. D'une geste impressionniste, elle propose un art à la fois savoureux, délicat et d'une étonnante rencontre entre la légèreté et la profondeur. Son imagier chante et murmure, embaume aussi. Elle excelle, pour ses délicieux nus, dans la couleur, les associations savoureuses, presque festives, enthousiasmantes. Une sorte de délicieux hiératisme amusé exhausse ses portraits. Un trait rond, alerte, allègre, rapide et inspiré campe ses beautés saines, vives, établies en poésie, ses enfants rêveurs, doux et pensifs sont d'étranges esquisses oxymoriques, profondes, marquantes. Les femmes qu'elle peint semblent prendre d'exquis bains de couleurs. Ses natures mortes resplendissent de couleurs vivantes et ardentes, mais aussi parfois un peu atténuées, savamment allongées. Elles peuvent aussi être de poétiques indices, de troublants empreintes de fleurs dont les couleurs auraient ruisselé. Il y a chez Olga Okaeva un art accompli de la nuance. Ses paysages, sobres mais intenses, ramenés à l'essentiel de quelques lignes, nous disent quelque chose de presque intime sur sa Russie, quelque chose de fragile et d'important, quelque chose qui touche à l'âme du lieu éprouvé, habité par l'artiste. Ces paysages frémissent, il y a toujours dans la composition un point d'attraction comme discrètement mis en exergue et qui hèle. De prime abord, ça paraît simple, en y regardant de plus près, c'est très enchevêtré, ça bouge, ça palpite, les lignes ploient merveilleusement. Ses rouges sont des merveilles.
Carine-Laure Desguin
Née à Binche le 7 février 1963, Carine-Laure Desguin aime sourire aux étoiles et dire bonjour aux gens qu’elle croise. Ses textes se lisent dans les revues littéraires « Le Spantole » et « Aura ». Elle participe à plusieurs recueils collectifs et publie entre autres Rue Baraka (roman, Ed Chloé des Lys) et des recueils de poésies et de nouvelles. Elle signe également quelques textes mis en musique par Ernest Hembersin et en 2014, elle reçoit le Prix Pierre Nothomb pour le texte « Hélène Hélène Hélène ». Son inspiration ? Dans le souffle des vents, sur les trottoirs des villes et dans les instantanés de la vie, instantanés qu’elle grignote comme ça, au gré de ses fantaisies.
Carine-Laure Desguin aime dans les textes poétiques leur sonorité, leur musicalité, leurs fragments d’ombre et de lumière, de sens interdit et de non-sens. Des lames et des lumières, son dernier opus préfacé par Eric Allard et illustré par Catherine Béraël vient d’être édité par les éditions Le Coudrier.
http://carineldesguin.canalblog.com
Poème inédit
la ville accroupie
un lendemain de carnaval
les confettis aussi loin à propos
les confettis oui
dans le creux du temps
surnagent les couleurs
juste sur les bordures
celles des souvenirs
des oranges sur les tissus
délavés des tourbillons
et les mémoires s’enflamment
sur les pavés urbains
tous ces bruits encore eux
qui me déraisonnent
Place du Manège
ne tournent plus
que des lambeaux de riens
des paupières mortes
de flâneries en flâneries
la ville libère ses relents
d’écorce viatique
déjà un copeau du jour
et l’aube aux portes des aurevoirs
se décale de la nuit
Invité : Roger Foulon
Roger Foulon est né à Thuin le 3 août 1923 et est mort dans cette même ville dont il restera l’un des plus grands chantres, le 25 février 2008. Poète, romancier, essayiste, auteur de plus d’une centaine d’ouvrages, il fut membre de l’Académie royale de langue française et fondateur en 1956 de la revue littéraire « Le Spantole ». De 1973 jusqu’en 1994, il présida l’Association des écrivains belges. Il reçut de nombreux prix littéraires. Parmi eux, le Prix Charlier-Anciaux et le Prix Maurice Carême. Il restera, pour la ville de Thuin, une des personnalités les plus emblématiques.
Retraite
On n’entre pas ici comme dans un moulin,
Il faut faire silence à l’intérieur de soi,
Détruire ce qui blesse et assassine l’âme,
Puis se parer d’une aube aussi pure qu’un lis
Et marcher dans la virginité des rosées.
Alors, parfois, on touche à ce pays de cygnes,
A ces étangs que la parole fait trembler
Et l’on voit se lever de la brume et des eaux
Des mots qui sonnent clair comme un fruit de cristal.
THOMAS CHRISTIAN
http://cricri.thomas99.free.fr/
(Photo, Jérôme et Thomas Christian, fils et père)
Ecce homo. Attention, ce type ne ressemble à personne. Il s'appelle Thomas Christian et vit quelque part dans Paris, France, Europe. C'est un remède radical au snobisme. Ovni dans l'univers de la création, artiste à tout entreprendre, touriste en joie dans la luxuriance de sa propre oeuvre, esprit fécond, farceur, tragédien, clown, punk, rescapé de l'art brut, enfant entêté, gagman et philosophe, Parisien pas parisien du tout, fils de Beckett, de Kafka, descendant en droite ligne des Shadocks, producteur compulsif, fantastiqueur, humble génie, ferrailleur farfelu, peintre libre, pop artiste, alchimiste maboul, tageur furieux, sculpteur inspiré, mystique, visionnaire, metteur en scène, bouffon indéfinissable et lumineux, caricaturiste, oiseau de passage, faune lovecraftien, vorace ami de la terre et des couleurs, foutoiriste exorbitant, il travaille dans et sur tous les matériaux, il les mélange, les associe, les superpose, les imprime, les peint, les découpe, les fait fondre, il est sans répit, sans panne d'inspiration, aimanté par tout. Il s'émeut des fotes d'autografe d'un peintre génial, il fait chanter la dinguerie, la détresse, la poésie, la peur au même infatigable carnaval auquel il impulse un rythme frénétique. Hilare et sensible, volage et profond, grotesque et sublime, grave et léger, voilà le type de créateur qu'on aime franchement, tant pour son heureuse prodigalité, son inventivité toujours en alerte, sa puissance expressive, son sens de l'aventure tous azimuts, que pour une sensibilité rieuse, une profondeur presque secrète et débordante d'humanité. On aime se perdre dans cet immense univers en labyrinthe plein d'inventions, de surprises, de trouvailles, de gamineries, d'espaces ludiques, de trouvailles solides et impressionnantes. Christian est un cocktail molotov, apéritif et digestif, c'est une recette d'artiste atypique composée d'un tiers d'esthète, d'un tiers d'iconoclaste, d'un tiers d'aventurier, et, comme chez Pagnol, d'un bon tiers d'anartiste génial. Thomas Christian se rit des définisseurs, des portraitistes, des encyclopédistes, sa liberté d'entreprise le mène vers les quatre horizons, sans jamais se prendre au sérieux, en édifiant pièce après pièce, une oeuvre déséquilibrée, vertigineuse, une tour de Pise inédite qui oscille sans jamais s'écraser entre poésie, absurdité et désir irrépressible de donner, plutôt qu'un sens, une rotation et une ivresse à la vie. Je n'ai ici que le loisir de présenter une ébauche de cette oeuvre exorbitante et abondante. J'en recommande avec ferveur la découverte dans le site même de l'artiste.
A l a i n A d a m
ARENAS
5 pastels sur papier
Francis DENIS
« Je ne peins pas pour faire beau mais pour faire vrai » ( Francis DENIS, Octobre 2009 ) Né en 1954, auteur et artiste peintre, Francis Denis réside à Longuenesse, près de Saint-Omer en France. Parallèlement à son métier d'éducateur, il s'est adonné à l'écriture, le dessin, la peinture. Il fut le cofondateur de la revue poétique Lieux-d'Être avec le poète Régis LOUCHAËRT puis coorganisateur du festival d'art sacré contemporain « Les Regardeurs de Lumière » en la cathédrale de Saint-Omer de 2008 à 2013. Il a désormais à son actif deux recueils de nouvelles : « Les saisons de Mauve ou le chant des cactus » et « Le château des dieux », qui viennent de paraître à compte d'éditeur aux Éditions Delatour France. Ses textes et illustrations paraissent en revue papier ou sur le net à travers le monde ( Le Chasseur Abstrait, Népenthès, Aéra zinc,Blue Fifth Review, Ellipsis, Les Trompettes Marines, Le Capital des Mots, Squeeze, Voxpoesi, The Ilanot Review , Taj Mahal Review, Monolito, La Ira de Morféo, The Milo Review, L'Ampoule ( aux éditions de l'Abat-Jour ), Under the Gum Tree, Kritiks, Artyhum, Arte.es, Sliver of Stone Magazine, etc... ) . Expositions en France et à l'étranger.
POEME
C'est Ma chair, Seigneur
C'est ma chair, Seigneur
C'est ma chair qu'on t'offre
Ma chair flagellée
lacérée
découpée
ensanglantée
écartelée
Ma chair lourde de souffrance
et d'incompréhension
Mon corps saignant
Ma tête de côté
*
Ô père,
Pourquoi t'ai-je choisi?
*
Tu m'as trahi, ô mon père
Tu m'as trahi
*
J'ai mal, si mal
J'avais cru en toi Seigneur
J'avais cru en ton amour
En l'amour de l'homme
En la beauté du monde
Toute créature est innocente
Toute chose baigne dans la paix
Tout est lisse
Et la mer étale
Tout est si proche de toi mon père
Que je me sens frère du monde
Frère et sœur des hommes
*
J'ai transformé l'eau en vin
Et le vin est devenu sang
Et le sang qui coule de mes plaies
Abreuve maintenant le désert des âmes
Où est le pardon?
Où est l'amour qui transcende?
La pureté du regard?
*
Ce chemin qui n'en finit pas
Où mes pieds traînent et cognent sur la terre
Et résonnent des coups de boutoir
Qui vont bientôt déchirer ma chair
Les cris et les injures pleuvent à mon passage
Comme si de ma présence je salissais la vie
Leur vie
Que leur univers n'était pas le mien
Et que je devais payer pour quelque faute inconnue
Suis-je donc si proche de toi, mon père?
*
Le ciel s'enflamme et s'assombrit
La lumière joue avec la nuit
Et la crainte gagne le cœur des hommes
Mais de quel dieu ont-ils peur
Sinon d'eux-mêmes?
*
Mais c'est ma chair, Seigneur
C'est ma chair qu'on t'offre
Rien que ma chair
Loin de mon corps
Loin de mon être
Loin de mon âme déjà
*
Ô, vous qui pleurez au bas de ma croix
Ma chair mon sang mon moi
Ne m'en veuillez pas si je vous abandonne à la vie
Et dites-leur à ceux qui ne croient pas
Qu'il existe un monde meilleur ici ou là-bas
Dehors et dedans en eux et hors d'eux
Et que le choix est ingrat
*
Ai-je donc la force de me déclouer
D'arracher mon corps au feu de ma croix
Moi qui ai su réveiller les morts?
*
Des mots chantent encore dans ma tête
Des mots humains
Des mots fragiles et tendres
Comme la mie du pain quand elle se déchire entre les mains
Mes mains! Seigneur
Ces mains qui ont guéri
Ces mains aux ailes de colombe
Ces mains aux promesses de ciel
Ces mains qui ont parlé pour toi
Ces mains qui crient Ces mains qui souffrent
Ces pauvres mains qui se recroquevillent agonisantes
*
Je tombe Je tombe, Seigneur
Le sol se dérobe sous le poids qui m'accable
Et la honte s'empare de tout mon être
Tant de faiblesse à pardonner!
Qu'on me donne l'ultime réconfort
D'un cri déchirant la nuit
D'une pointe me perçant le torse
Que les étoiles s'éteignent
Que Marie s'enfuie loin du calvaire
Que la terre s'entrouvre
Et que mes tueurs pleurent de misère!
*
Le sel a goût de trop peu Ma mère
Le sel a goût de trop peu!
Je suis ton objet de lumière
Ton objet de douleur
Ta chair et ta misère.
Quelles furent donc ces folles promesses
De la bouche de l'ange
A ton humble cœur?
*
Je suis un homme
Et on me crucifie comme un dieu!
Pardonne-leur mon père car ils ne savent ce qu'ils font
Pardonne-leur, mon père
Comme je sais te pardonner.
Poète invité : Gérard COUSIN
Né dans la région des mines du Pas-de-Calais et fils de mineur. Instituteur jusqu’en 2003. Anime avec d’autres passionnés du groupe « Lieux d’Être » des lectures associant poésie et musique. Anime également des ateliers d’écriture en milieu scolaire ou autres. Fut membre du comité de rédaction de la revue « Horizon 21 » et est actuellement administrateur de la Maison de la Poésie Nord-Pas-de-Calais.
Participation à diverses revues (Cahiers Froissart, Horizon 21, Nard, Rétroviseur … et surtout Lieux d’Être).
Présent dans plusieurs anthologies.
Présent sur différents sites internet dont « La toile de l’un » et celui de Guy Allix.
Recueils :
Fille du Nord, Bleu de saule en saule (livre d’artiste sur papier artisanal avec la collaboration de 6 plasticiens), Matinales, avec l’aquarelliste Dominique Darras,, Les tercets du pin (livre d’artiste pour l’exposition Michel Butor de Saint-Omer ,aquarelles de Nicole Louchaert), Picorer les étoiles avec l’aquarelliste Nicole Louchaert. Sera en résidence écriture et animation à Arques (62) lors du Printemps des Poètes 2016.
Picorer les étoiles
( 2014, dédié à mes petits-enfants)
Ce soir,
tu veux rester éveillé
pour voir, dis-tu,
arriver le premier rêve.
Et voilà qu’il neige doucement
dans tes yeux qui se closent.
Tu sais maintenant
où patiente l’autre lumière.
L’étoile derrière tes paupières,
c’est pour en savoir le chemin,
comme un geste de la main.
« Picorer les étoiles »
A mots doux,
les flocons ont brodé
des chemins de lumières
et de patience.
La mésange,
que tu hèles,
emplit le paysage au bout de tes doigts.
Tu louvoies entre les îles du silence
et cherches des réponses.
Elles laisseront leurs pas à la neige,
la nuit les veillera.
« Picorer les étoiles »
Tout est bien :
dans le pommier,
le soir agence ses bleus et ses ocres,
la poignée de coquelicots
prend des poses d’aquarelle,
à tue-tête, le rossignol
se déclare heureux de sa journée,
les chiens perdus ont trouvé leur asile,
la lune fait la roue sur le toit du voisin.
Ta main cherche la mienne.
Ta quiétude et ta confiance
allument la première étoile.
« Picorer les étoiles »
ERIC BROGNIET
Eric Brogniet (1956) est un poète et critique belge d'expression française.
Son oeuvre poétique, riche d'environ une vingtaine de livres, explore la condition humaine et le désenchantement du monde. Pour lui, le poète est "celui qui met sa nuit sur la table".
Non pour s'épancher dans une écriture du moi, nécessairement fallacieuse, mais pour tenter de baliser, à partir du doute et de la lucidité, les territoires encore possibles d'une rencontre avec l'autre, son "hypocrite lecteur", son "frère", selon le mot de Baudelaire.
A lire, entre autres : "Sahariennes" (Al Manar, 2015), "Graphies, nue noire" (Tétras Lyre, 2013), "A la table de Sade" (Taillis Pré, 2012), sa trilogie : "Autoportrait au suaire" (L'Age d'homme, 2001), "Ce fragile aujourd'hui" (Le Taillis Pré, 2009) et "Ulysse, errant dans l'ébloui" (Le Taillis Pré, 2009).
Eric Brogniet a créé et dirigé, à Namur, de 1987 à 2000, la revue "Sources" et organisé de nombreux colloques et rencontres littéraires. Citoyen d'honneur de la Ville d'Andenne en 2010, il a été élu la même année au fauteuil de Fernand Verhesen au sein de l'Académie Royale de Langue et de Littérature françaises de Belgique.
Poème
Journal d'une fille perdue - cette héroïne au visage à la Louise Brooks - alanguie et rêveuse - allongée le menton dans la paume de la main sur ce vieux canapé en cuir de style anglais - que tient-elle dans l'autre main - coupe papier d'obsidienne ou plume de style - trip à l'acide - chacun dans son voyage - icône christique entre ses deux larrons - celle qui, une seule fois, fut crucifiée et ne peut plus aimer - l'arme et la bouteille de jack sont vides comme une journée de désœuvrement - ou la conscience stupéfiée devant ce qui nous attend - en marge du monde très utile qui fait de l'argent - parmi cette noirceur majuscule la chair seule fait lumière - s'offre comme la preuve d'une rédemption - alors même qu'elle est corruptible et qu'ils le savent - comme si en cet instant ils voyaient le sublime au milieu des déjections et de la fatigue de vivre - comme si en cet instant ils pressentaient que le monde ne sera sauvé que par le fragile et l'éblouissement -
(Extrait de "Les merveilles de l'enfer", inédit 2014 (tous droits réservés), d'après l"oeuvre photographique "L'heure sale du banditisme" de Sadie von Paris)
Poète invité : Christian HUBIN
Christian Hubin, par son art de voir et de nommer l'expérience de sa vision, déploie une poétique intransigeante, qui ne raconte rien mais qui tente de tout dire. Son registre syntaxique troue le discours, comme si seuls en surnageaient des blocs, des éclats, des intuitions. Pourtant, un phénomène antinomique s'élabore dans cette langue en mouvement, sorte d'accélérateur qui, fracassant le noyau de l'élémentaire, libère d'autres particules infra, leur énergie en expansion... ce phénomène est musical d'une part : cassant la syntaxe, le poète libère l'énergie des vocables qui, par contamination, se greffent, métabolisant leurs éléments pour une plus-value de sens. Par ailleurs, les registres métonymiques abondent et se répercutent à partir de quelques figures : le souple, le liquide, le mouvant, le pur, le rapide, d'une part ; auxquels répondent celles du fixé, du mélange, de l'informe, d'autre part . Le poème hubinien, qui s'affronte aux limites, se développe autour de son noyau qui n'est peut-être, pour reprendre les termes employés pour décrire son expérience de la traduction par Verhesen, dans une continuité de pensée avec Blanchot, "que le rien central dans le silence duquel tout se crée et autour duquel le poète répond à un appel. Cet inviolable espace intérieur, avec sa lisière de mots qui seuls sont visibles, est en réalité le lieu de cette "pensée sans pensée" dont parlait Pierre Chappuis à propos d'Octavio Paz (...). C'est à partir de ce lieu-là que commencent à penser les mots, (...) à l'écoute de ce "rien", de ce "silence" on perçoit à son tour et comme en écho, l'appel de ce qui n'est pas dit, l'appel du "muet". L'oeuvre est sans doute une des plus cinétiques de la poésie contemporaine. Un grand "Disjecta Membra", fruit d'une expérience des limites de l'existant. Un ensemble de figures phonétiques dont la trame musicale crée une sorte de glossolalie, un chant par éclats, révèle les intervalles, l'espace même d'où l'expérience est possible, les conditions du silence d'où naît le son, s'approchant au plus près du noyau. Une lecture douloureuse mais positive de la condition humaine au sein même de la conscience de mourir.
Poème
Dont ce. Dont la vitesse, les synchrones - ou une autre sous elles, exclues d'elles. Dont scandant au-devant - rétractée.
Greffes de ce qu'on n'entend pas.
Dont on est la répercussion
Karel LOGIST
Karel Logist est né à Spa en 1962 d'un père anversois et d'une mère rhénane. Ces dernières années, le Castor Astral a publié « Tout emporter », une anthologie poétique personnelle, l’Arbre à Paroles a réuni ses « Mesures du possible », et Espace Nord a réédité son récit « Dés d’enfance ». Poète mais aussi critique littéraire et animateur d’ateliers d’écriture poétique, Karel Logist a longtemps animé la revue Le Fram. Aujourd’hui, il poursuit l’écriture de ses « Carnets de doute ». Son avant-dernier livre, « Desperados », un lipogramme, a reçu le prix littéraire 2013 de la SCAM-SACD. La « Traversée des habitudes », son vingtième livre, vient de paraître aux Editions Le Tétras Lyre.
Photo : Sophie Vangor
Dans ta nouvelle vie on parle moins d’amour
pas l’ombre d’un fantôme. Ton sexe joue à pile
et face des étreintes qui fanent sans regret
Dans ta nouvelle vie on te tire les cartes
Et tu ne refais pas le monde. Tu l’embellis.
Tu ne jettes jamais l’éponge. Tu la places
entre les dents d’un tigre éberlué
de voir qui l’apprivoise.
Tu vis au jour le jour et si le jour se lasse
il te le fait savoir et tu passes ton tour
Tes aventures voltent dans un manège flou
De tes baisers s’ils s’en souviennent
tes amants ne sont pas jaloux parce qu’ils savent
qu’aimer, c’est enfermer une vague dans un vase.
Poète invité : René PURNAL
Pour le poète choisi, c'est plus difficile... Je te propose René Purnal, un merveilleux poète que j'ai découvert naguère grâce au Panorama de Liliane Wouters et que j'ai eu la chance de faire rééditer à la Différence voici juste vingt ans (Avatars, poèmes 1922-1934, choix et présentation de Karel Logist, 1996)!
René Purnal naît le 24 septembre 1898 à Tournai. Il "monte"à Paris très jeune, en même temps que Michaux et quelques autres poètes belges, et tente sa chance en vain, comme dramaturge et critique. Auteur de quatre superbes recueils modernistes, publiés entre 1920 et 1928, (Introduction à la vie cruelle, Cocktails, Douze Bois d'occasion et Sel de la terre), il meurt seul et oublié, le 3 juillet 1970, au sanatorium de Draveil, près de Paris. En Belgique, un seul hommage lui est rendu, sous la plume du poète Gérard Prévôt : " son orgueil, qui n'était du reste qu'une pudeur d' enfant écorché, mais une pudeur immense, ne lui aura pas permis de se faire entendre de ses contemporains. Et sans doute, il faut l'espérer, justice lui sera rendue enfin, quand (...) les critiques et les lecteurs redécouvriront les poèmes de Purnal. L'homme est mort et cette pauvre mort confidentielle est le signe le plus cruel des temps barbares dans lesquels nous sommes entrés" (Mort d'un poète, dans Le Soir, 16 septembre 1970).
Jeux de circonstance
Trente-six jours que nous roulons,
Le train concasse un air sans âge,
Beaucoup plus de mouches que d'ombre,
Avons le mal du paysage.
- Pourriez-vous me dire, ma chère,
Où se trouve l'embarcadère
Des objets perdus?
Ah ! la lumière est trop parfaite !
Ah ! tout devient trop difficile !
Que m'importe la vie à naître
Si je n'y puis trouver asile
Pour mes songes qui ne sont plus.
(extrait du recueil Cocktails)
CHARLINE LAMBERT
Difficile de parler de moi quand je n’ai publié jusqu’à présent (et avant mes vingt-sept ans) qu’un seul recueil poétique (Chanvre et lierre, Le Taillis Pré, 2016). Le second (Sous dialyses) suivra bientôt, le troisième (Désincarcération), peut-être aussi, à voir. Ce qui les réunit est une expérimentation de la poésie comme travail et jeu d’élucidation, par l’épreuve de la sensorialité, comme puissance de décloisonnement et de transformation. « Remédier au corrompu », dit le dix-huitième hexagramme du Yi King (traduit par Javary et Faure). Il doit y avoir un peu de ça.
Poème
Tu veux désincar-
cérer la bête de toi,
tu as des bouches à nourrir, et combien
de chiens affamés
au-dedans, en attente
d’une taxidermie.
Tu fourres toujours dans ta structure,
sous ta peau de bête,
beaucoup trop d’humain.
ébroue-toi broute dans les fentes
noie salive sue
désaltère-toi,
avant que ton corps ne devienne
un organe de phonation.
(extrait de Désincarcération, inédit)
Poète invité : GHÉRASIM LUCA
Si « je » est un mot d’ordre, Salman Locker a tôt fait de faire œuvre de désobéissance et de se frayer une « voie pour l’insubordination » (Michaux) en se choisissant, comme le rappelle André Velter dans la préface à Héros-Limite, « un nom et un égarement » : ainsi est né Ghérasim Luca. Il est né en Roumanie en 1913 et s’est définitivement installé à Paris en 1952 (entretemps, Paris déjà en 1938, Roumanie en 1940, bref passage par l’Italie, détour par Israël). Obstinément apatride, résolument récalcitrant aux embrigadements, aux appartenances, aux disciplines. Le seul courant avec lequel il a accepté de faire corps est la Seine : on sait ce qui alarma Luca, peut-être comme Celan, pour qu’il s’y jette le 9 février 1994, soit ce monde, « ce monde où les poètes n’ont plus de place ».
« Bégayer, c’est facile, mais être bègue du langage lui-même, c’est une autre affaire » (Deleuze) et c’est bien en cela que les poèmes de Luca ne se lisent et ne s’entendent pas comme des fantaisies, mais comme des labours puissants dans les profondeurs de la langue et de ce qui sourd de ses gorges, pour montrer que notre « moi » n’est, en fin de compte, qu’un sol mouvant où on perd pied.
Poème
Écoutez, plutôt :
https://www.youtube.com/watch?v=16ltchO5Vpw
Et aussi :
« (...) Dès lors, comment vais-je vivre ?
À vous de répliquer : chacun doit trouver la formule exacte de sa dissolution. »
(Ghérasim Luca, extrait de Levée d’écrou)
LUCIEN NOULLEZ
Lucien Noullez est un poète, diariste, critique littéraire belge né à Etterbeek le 13 mai 1957 (58 ans). Né dans un milieu qui vénère la musique et la chanson, Lucien Noullez, tout naturellement, passe beaucoup de temps en concert, écrit sur la musique et en nourrit ses poèmes. Professeur de religion, il est aussi critique littéraire à la Libre Belgique, collabore au Journal des poètes, à Indications, Marginales, La Cité, La Revue Nouvelle, La Revue Générale, à Recours au poème. Plusieurs récompenses consacrent son travail poétique : Casterman, Polak de l' Académie Royale de Langue et de Littérature françaises de Belgique, Robert-Goffin, Prix Maurice et Gisèle Gauchez Philippot. Il obtient également, en 1997, le prix Maurice Carème. Il est le président de la Maison internationale de poésie Arthur Haulot. (https://fr.wikipedia.org/wiki/Lucien_Noullez)
POEME
Bon Dieu ! J'ai de nouveau perdu la foi.
Je la cherche dans un tiroir où j'ai jeté
mes pauvres clés.
Merci, Seigneur, j'ai retrouvé mes clés.
Mais je dois encore trouver
la foi que j'ai perdue.
C'est pour cela que je me mets à plat ventre
à genoux
à grenouiller dans l'eau bénite,
merci mon Dieu,
lorsque j'aurai trouvé la foi
on pourra se parler,
se chatouiller, comme jadis
mais,
Est-ce que vous cherchez,
au moins?
Poète invité : Marcel Thiry
Le vers célèbre Toi qui pâlis au nom de Vancouver donne le titre de son plus célèbre recueil de poèmes. On lui doit également La Mer de la tranquillité (1938), Nouvelles du grand possible (1960) et Nondum jam non (1966). En 1964, il reçut le prix quinquennal de littérature pour l'ensemble de sa carrière. Il milita jusqu'à sa mort au sein du Rassemblement wallon, militantisme wallon qui était né dans l'entre-deux-guerres, notamment en réaction à la politique de neutralité soutenue par Léopold III, par ses articles dans l'Action wallonne. Il fut sénateur de ce parti. Sa fille, Lise Thiry, est une virologue de réputation mondiale. En hommage à son œuvre, le nom d'une avenue lui a été dédiée à Woluwe-Saint-Lambert et à Louvain-la-Neuve. Marcel Thiry a été choisi comme un des Cent Wallons du siècle, par l'Institut Jules Destrée, en 1995. (https://fr.wikipedia.org/wiki/Marcel_Thiry)
POEME
Parce qu'un remorqueur brame devant l'écluse,
Tu pars; tu es à bord, le soir, tous feux éteints;
Tu écoutes, couché sous ton astre incertain,
Le chant du coq martiniquais dans la cambuse,
La berceuse du vent plaintif dans les agrès
Et le déferlement des vagues sur l'étrave.
Ô entreponts pleins de cœurs d'hommes, ô regrets !
Va, la mer t'a marqué du signe des esclaves :
L'appel d'un remorqueur ce soir t'a fait pâlir,
Tu n'as plus que l'amour de tes vieilles épreuves,
Tu ne passeras plus un pont sans tressaillir,
L'odeur de Rotterdam monte de tous les fleuves
Et le bruit de la mer chante dans tous les bruits.
Tu es dans ta maison bourgeoise et tu vieillis.
(Marcel Thiry : 1897-1977)