FRANCIS CAMPIGLIA
PREMIÈRE PARTIE
Francis Campiglia parmi ses oeuvres - photographie Armand Borlant
Les Portraits d’un artiste photographe
Les œuvres reproduites dans cet article sont la propriété de Francis Campiglia
AUTOPORTRAIT
Photographe professionnel en 1973, il n'a jamais envisagé de faire autre chose que des images. Gamin, il a été nourri de tous les films diffusés par un ciné-club, situé juste sous l'appartement familial et passait ses jeudis et dimanches dans les cinémas de sa ville natale, le reste du temps il lisait, Fénimore Cooper, Jules Verne, Robert Louis Stevenson, Dumas, Hemingway. Une telle abondance d'images développe trés vite le syndrome cinématographique qu'il essaie de soigner en faisant des films d'amateur mais un évident manque de rigueur scientifique, un dilettantisme maladif, un individualisme précoce et farouche lui ferme les portes des écoles de cinéma. Peu importe, pour assouvir sa boulimie d'images, il décide de ne plus faire DES images mais UNE image et de passer du cinéma à la photographie. Peu enclin à la lecture des modes d'emploi, il apprend la photo en regardant et questionnant celles des autres. Pourquoi photographier? Que photographier? Comment photographier? August Sander, Robert Doisneau, Diane Arbus apportent leurs réponses. Après 15 ans d'errances photographiques, tout se déclanche et se met en place, une photo qui se tient et qui lui plait et la photographie devient ce que disait d'elle Henri Cartier Bresson, une manière de vivre. Sa manière de vivre.
PORTRAIT PAR MOI
Eminent photographe établi dans Paris, homme de la fête musicale, de la rue, du bistrot, des quartiers vivants et populaires, le talentueux Francis Campiglia, avec son blase qui sent bon la Méditerranée, ses épaules de bûcheron québécois, son allure décontractée de bon vivant qui aime la bière, sa formidable tête de Gaulois fraîchement sexagénaire, un Gaulois fringant à l’œil vif et intelligent, une belle tête d’artiste ornée d’une somptueuse moustache de séducteur désinvolte, Francis Campiglia, écrivais-je, a tout d’un libertaire humaniste.
Désinvolte ? Pas si sûr, pas sûr du tout. L’œuvre du Français, dans sa diversité et dans son exigence, révèle un Campiglia complexe, esthète, excellent technicien, créateur très inspiré, artiste très appliqué. Il peut capturer une scène, la ravir à l’immédiateté des faits, cueillir au passage un instant de beauté ou d’étrangeté, il a un instinct, c’est un fauve de l’image, c’est une gâchette de l’ouest parisien, mais c’est surtout un type qui s’intègre, qui sait se faire admettre et désirer sans doute, c’est le genre de type qu’on est heureux de voir arriver, son appareil en bandoulière, c’est un homme qui dégage un franc parfum de fraternité et de bienveillance. C’est un véritable artiste sans piédestal, une pointure qui va à pied. Mais c’est aussi un créateur qui sait mettre en scène, scénariser, composer. Il sait trousser et équilibrer une scène. On sent alors combien l’homme est méticuleux, habile, ingénieux. Oui, le langage de l’image, il connaît, c’est sa sorcellerie personnelle, son rayon, sa branche. On comprend que derrière la plaisante bonhomie de ce beau visage de Lutécien, il y a l’alchimiste qui observe méticuleusement les propres règles de son art, il y a l’artisan et le technicien qui ont la fierté, l’orgueil de leur discipline, il y a l’artiste avec sa bénéfique intransigeance, sa méticulosité. Campiglia a sa manière, aussi, sa geste. Son image produit de la chaleur, c’est une braise intense, elle émet de l’humanité, le grand cru de la tendresse humaine, elle parle en faveur de l’humanité, elle chante, elle danse, elle est avec celui ou celle qu’elle perpétue. Campiglia est essentiellement un artiste qui célèbre l’être, qui le porte, qui ne redoute ni sa singularité, ni sa déche, ni sa dinguerie ni sa joie. C’est ainsi, il inspire la sympathie, il inspire ce qu’il émet. Il vient à vous, à eux pour rendre grâce, pour cueillir et recueillir un éclat d’humanité, une étincelle de fête, un éclair d’existence. Mais en tout instant, l’esthète en lui est vigilant, en état d’alerte, totalement disponible.
Campiglia, ses magnifiques albums l’attestent, aime l’accordéon et la gratte, l’artiste de rue, l’artiste sur scène, les petits orchestres, l’orgue de Barbarie, le limonaire, le jazz manouche, la java, les chanteurs, les gueules d’amour, les rues de Paris, les gens qui ont un tempérament et le désir du chant. Les gens qui ont une petite fièvre qui n’a rien à voir avec la maladie. Il aime et fixe les citoyens qui ont du bagout, qui font des gestes, qui savourent un pot en donnant la franche impression de savourer. Il aime le beau zinc, le beau bistrot, celui qui a du caractère, de l’allure, de la patine et de la gueule, il aime les recoins de Paris, ses ruelles, ses quartiers rescapés ou menacés, il aime le Paris non encore rattrapé par la standardisation et le peigne immobilier, un Paris à l’écart du Paris de l’ordre, de l’ennui et du métronome.
Il aime ce qui ne marche pas encore au pas, ce qui, à tout instant, peut sautiller, risquer un entrechat, un mouvement de tango, il aime ce qui résiste aux sécateurs de l’uniformité, ce qui affirme ostensiblement sa singularité. Il aime les joyaux de Paris, car Paris, oui, c’est tout de même la ville lumière, c’est toujours une étoile divinement roulée, une grande majestueuse, un lieu parfumé de génie et tout enflé d’âme. Il aime les chanteuses, les musiciennes, les sauterelles à casquettes, les belles maboules, il les photographie comme personne, avec une délicatesse de sertisseur de diamants, avec une grâce de cueilleur d’iris. Oui, c’est un homme qui a de la classe, Campiglia et de la tendresse. Une distinction. Il aime la kermesse, les grands manèges en folle rotation, la couleur et ses feux, les belles bagnoles (les maousses et les suppositoires d’autobus), les bécanes aussi, les trains, le cinoche de la vie, la palpitation, le frisson d’exister, les grands édifices, les petites chez-soi, les humbles, les autres, la nuit et ses parures de duchesse, la nuit et ses fatigues de marmite sur les rotules, la nuit et son rêve en ébullition, les bibliothèques, la belle pépée en gloire, les femmes et les vieilles dames, les mômes, les gavroches.
Mais tout bien considéré, au-delà même de ces évidentes et nombreuses prédilections, Campiglia, c’est tout de même ce nom de dieu de photographe qui peut réaliser une œuvre un peu partout, à n’importe quel moment.
Vous voulez en savoir plus sur l'artiste ? Visitez ses espaces. Et lisez l’interview exclusive que nous allons publier de lui.
http://www.flickr.com/photos/franciscampiglia
http://franciscampiglia.over-blog.com
http://www.facebook.com/pages/Francis-Campiglia-Photographe/372001309482469
http://www.parisrevu.fr/album/category.php?cat=17&expand=17
CASSE-TÊTE
Il y a quelques jours que je nage en eaux campigliennes, dans les magnifiques vagues et les baies de ses images. Et j’y ai connu de grandes joies, de puissantes émotions. Et là, je suis tout au fond de mon blues, effondré, les rotules en caoutchouc et l’âme dégonflée comme une baudruche qui a rencontré une épine. Motif ? Je dois choisir, pour orner mes articles, des photographies. Et bon sang il y a ici des pluies de merveilles, il en tombe des cordes, des caravelles entières. Moi, j’ai ici trop d’enchantements, trop de bonheurs visuels, de bouleversements, de remuements, trop de frissons de ravissement, je ne sais plus où donner de la tête, je suis comme sujet à l’opium, au vertige et à la lévitation. Campiglia m’a dit, oui, bien sûr, je t’autorise à reproduire des photographies. Autant lâcher un lapin dans la luzerne, un Jamaïcain dans un champ d’herbe, un Belge dans une brasserie, une Amazone dans Lesbos. Les albums de Campiglia sont des coins de paradis, des champs d’orchidées et de lys, des endroits de vibrante humanité, même les ruines y sont sublimes d’âme et de grandeur perdue, moi, j’y respire mieux qu’ailleurs, j’y vois mieux qu’ailleurs, j’y suis heureux. Dans le fond, quand on a tout dit, quand on a piétiné dans la prairie folle de son engouement, ce qui touche au plus près des grands sentiments inspirés par l’œuvre tient dans un remerciement. En regardant les photographies de Campiglia, j’éprouvais un bonheur intense. C’est rare. C’est tellement précieux. Merci, Francis. Je choisirai comme je pourrai, en trébuchant parmi toutes les formidables fleurs qui m’entourent et que tu as semées.
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